Pierre-Yves Martel - Estinto

J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'écouter des disques sur lesquels Pierre-Yves Martel intervenait (en compagnie de Jim Denley, Magda Mayas, Eric Normand, et d'autres), mais je ne l'avais encore jamais entendu en solo. Par rapport aux quelques projets auxquels ce musicien québécois participe, que ce soit à l'électronique ou sur instruments, je m'attendais à un disque de musique improvisée, réductionniste sûrement. Et pourtant, Estinto, c'est bien plus que ça en fait.
Estinto est une longue pièce minimaliste dans sa forme et ouverte dans son contenu. Pierre-Yves Martel joue simultanément une ou quelques notes de viole de gambe et d'harmonica espacées toujours par de longs silences aux durées aléatoires (à moins qu'elles ne soient relatives à la durée des sons ?). La forme est très claire, mais le contenu des interventions instrumentales est plus variable. On peut aussi bien entendre des cordes qui crissent, le souffle de l'harmonica, les extrêmes de chaque instrument, une bribe de mélodie, des consonances, des dissonances, etc. La dynamique et le volume restent égaux, mais l'intention n'est pas toujours la même en quelque sorte. Cependant, les notes comme l'harmonie sont toujours présentes, de manière claire et mélodique parfois, de manière spectrale et harmonique, ou bien de manière dissonante.

Pierre-Yves Martel propose ainsi une grande suite d'événements sonores et instrumentaux structurés par des silences. Estinto est une pièce aux accents marins et oniriques, il s'agit de vagues sonores fantomatiques et poétiques qui surgissent et disparaissent dans des silences. Des silences qui ne sont pas pesants, pas si longs, qui laissent juste le temps de s'imprégner des courts événements sonores. C'est juste beau, sensible, discrètement dissonant et profondément musical, discrètement silencieux et profondément immersif.


PIERRE-YVES MARTEL - Estinto (CD, E-tron Records, 2016) : http://www.pymartel.com/estinto