Jean-Luc Guionnet & Seijiro Murayama - Window Dressing (Potlatch, 2011)

Window Dressing est le deuxième essai du duo Guionnet/Murayama (respectivement saxophone alto et percussions) après Le bruit du toit, paru en 2007. Sur le site de Jean-Luc Guionnet, nous pouvons lire à propos de la première forme du projet qu'il consistait avant tout en une improvisation in situ, la musique étant principalement déterminée par l'environnement dans lequel elle prend forme. Etant donné que Le bruit du toit fût enregistré en studio, il s'agissait dès lors de "faire un concert comme non-concert. A la recherche de l'absence" (Murayama), d'où une certaine forme d'austérité et de froideur d'après mon souvenir de ce disque. Mais pour Window Dressing, les données changent car les deux sessions qui composent ce disque furent enregistrées en live: la première à Ljubljana lors d'un concert organisé par Zavod Sploh, et destinée à une diffusion radiophonique, la seconde, saisie à la perche par Eric La Casa dans une bibliothèque parisienne.

Durant ces quatre pièces, la spontanéité semble régir la plupart des structures et des modes de jeux. Comme  le notait Jean-Luc Guionnet en 2007 déjà, tout deux semblent autant réagir aux propriétés spatiales et acoustiques du lieu dans lequel ils jouent, à l'écoute et à l'attention du public, qu'aux techniques instrumentales et aux caractéristiques sonores adoptées par chacun. La tension résultant de la concentration et de l'attention à tous ces paramètres est palpable de bout en bout, au sein de la musique d'une part, mais également au sein de l'écoute de l'auditeur lui-même, pour qui une certaine forme d'attention assez singulière est requise. Attention au silence, attente de ce qui surgira potentiellement de chaque silence utilisé pour lui-même comme une matière sonore intentionnelle. Attente également de la forme toujours surprenante que prendra la forme de réponse à chaque intervention ainsi qu'à chaque non-intervention. Car le duo Guionnet/Murayama sait composer aussi bien avec la présence (sonore) de l'instrumentiste qu'avec l'absence (de son ou d'un instrumentiste).

Et c'est certainement ce dialogue entre la présence et l'absence qui forme la profondeur et les multiples contrastes de ces improvisations. Contrastes d'intensités qui vont du silence long et pesant aux notes criardes et stridentes de l'alto, en passant par des caisses claires doucement percutées de manière sporadique. De manière générale, tout paraît plutôt erratique, et la profondeur vient également des multiples modes de jeux utilisées au gré de principes intentionnels opaques: slaps, souffles, caisse claire sensiblement frottée par des balais, flatterzunge, pulsations énergiques et entêtantes (sur caisse claire toujours), longues notes tenues sans variation, ou avec, ou brutalement interrompues, de même que ces phrases percussives parfois trop sauvagement stoppées. Toutes ces techniques s'entremêlent sans jamais fusionner, car la musique de ce duo n'est pas seulement le fruit des musiciens, l'interaction se fait primordialement avec l'environnement (pas uniquement sonore cependant).


Window Dressing est un dialogue très surprenant entre deux musiciens d'une part, mais également entre les instrumentistes et le contexte environnant. Un dialogue basé sur une écoute et une attention aiguisées, plein de tensions et de contrastes. Un dialogue également entre la présence et l'absence, entre le son et le silence, mais pas vraiment un dialogue qui joue avec l'opposition plein/vide, dans la mesure où le silence est toujours considéré comme une matière musicale, comme une texture sonore à part entière. Quatre pièces parfois difficiles et souvent minimales, réduites à l'extrême, où chaque intention se réduit à une intervention souvent très simple, mais d'autant plus intense et puissante. Recommandé!
 
Tracklist: 01-Procédé / 02-Processus / 03-Procession / 04-Procès