Bruno Duplant, Philo Lenglet, Rachael Wadham - Proverbes (Bug Incision, 2011)


Bruno Duplant: percussions, toy drums
Philo Lenglet: guitare acoustique, objets
Rachael Wadham: piano (intérieur et extérieur)

Pour ce disque paru sur le label canadien Bug Incision, le très prolifique Bruno Duplant et son collaborateur Philo Langlet ont envoyé quatre pièces par mail à la pianiste canadienne Rachael Wadham (qui a notamment collaboré avec Jandek).L'esthétique adoptée par le duo français se situe dans un espace ouvert et aéré qui travaille le son en tant que tel, presque plus en tant que phénomène physique que musical. On ressent fortement la tension due à l'incertitude des deux musiciens qui ne peuvent pas se représenter ce que sera la réponse de Wadham à leurs propositions musicales. Et l'artiste canadienne réagit à chaque fois de manières très diverses: à contrepied lorsqu'elle superpose des bribes de mélodies aux nappes de sons indistincts avec un talent bercé d'influences contrapuntiques, ou en se noyant dans cette étrange masse sonore en manipulant l'intérieur du piano et son cadre. Toujours est-il que la séparation des musiciens n'est pas évidente tant l'entente et la fusion sont profondes; à chaque moment, Rachael Wadham semble répondre exactement aux attentes de Duplant et Lenglet malgré la distance et le temps qui les sépare.

Et si cet aspect télépathique en plus de l'étrangeté sonore due à l'incertitude et l'instabilité ont un côté vraiment envoûtant et très singulier, le champ sonore et la richesse de l'exploration sont déconcertants de par leur amplitude, leur largeur, et leur nouveauté, une nouveauté vraiment rafraichissante. Duplant, en utilisant presque exclusivement des percussions de manière frappée sans être rythmique se place dans une dynamique qui n'est pas sans rappeler Paul Lytton en créant un vaste réseau d'attaques étouffées qui finissent par s'entremêler jusqu'à ne former plus qu'une nappe. Longlet, lui, n'hésite pas à utiliser une multitude (parfois ahurissante) de techniques étendues par le biais de l'archet et de nombreux objets coincés entre les cordes (ou indépendants de la guitare) jusqu'à transformer la guitare en percussion ou en générateur de sons parasitaires. Avec Wadham, ils utilisent tous deux des objets et des vieilleries et leur offrent une seconde vie musicale -aussi étrange soit-elle- à travers la récupération au sein de l'improvisation. Sans oublier les interventions hétéroclites, courtes et discrètes de Wadham, qui réussit pleinement à conserver l'espace qui lui était accordé, et maintient donc ces improvisations dans un paysage ouvert.

Cet ensemble de quatre pièces forme donc un univers très particulier, un univers déconcertant, intrigant, envoûtant ou rebutant (parfois - selon les humeurs). Des proverbes souvent très abstraits, aérés et ouverts, mais toujours remplis d'une grande richesse musicale: richesse des interactions et des trouvailles sonores. Un objet vraiment singulier qui ne se laisse peut-être pas facilement appréhendé mais vaut le coup d'oreille.

Tracklist: 01-Même les singes tombrent dans les arbres / 02-Le coassement des grenouilles n'empêche pas l'éléphant de noire / 03-Le tigre aussi a besoin de sommeil / 04-Qui voit le ciel dans l'eau, voit les poissons sur les arbres