Tomaž Grom & Seijiro Murayama - Nepretrganost


Tomaž Grom & Seijiro Murayama - Nepretrganost (L'innombale & Zavod Sploh, 2010)

Tomaž Grom: double bass
Seijiro Murayama: percussion

01. Ena
02. Dva
03. Tri
04. Štiri
05. Pet

On connaît Murayama pour ses performances solos radicales et parfois proches d'un certain mysticisme théâtral, Zéro Jardins et Petit Label nous en ont déjà offerts deux enregistrements il y a environ un an. Mais n'oublions pas que Murayama a fait ses débuts avec Keiji Haino puis au sein du combo noise-rock Absolut Null Punkt (avec K.K. Null), et que depuis, son jeu en duo n'a fait que s'affiner et se perfectionner, notamment aux côtés de Jean-Luc Guionnet, Eric La Casa et Eric Cordier. Pour Nepretrganost, il s'associe au contrebassiste slovène Grom, fondateur du label Zavod Sploh qui coproduit cet album.

Le duo est certainement une de mes formes préférées en musique improvisée, d'une part parce qu'il demande une certaine virtuosité, mais surtout parce qu'il réclame une écoute particulièrement attentive de son acolyte. Ici, le dialogue ne s'apparente pas à une rhétorique vide, à un jeu de questions/réponses complètement formel. Grom et Murayama dialoguent certes, mais pour former un son unique, sans pour autant que l'un se confonde dans l'autre. En fait, c'est certainement Murayama qui mène les compositions ici, ses fameux frottements de caisse claire sont à l'ordre du jour, et Grom en fait ressortir la profondeur en exploitant l'aspect purement percussif de sa contrebasse; où alors il se confond en harmoniques à l'archet lorsque la cymbale seule est utilisée. Mais rien n'est laissé au hasard, chaque élément apporté par l'un sert à enrichir le jeu de l'autre pour former une ligne musicale qui ne quittera pas le morceau. Puis une autre ligne s'élabore au morceau suivant, et ainsi de suite; le disque est formé d'une succession de cinq idées qui forment chacune un morceau. Toute la force réside dans le fait qu'une seule idée est exploitée, ce qui lui laisse le temps d'être explorée au maximum et d'en faire ressortir toutes les potentialités. Chez Murayama comme chez Grom, les techniques instrumentales de jeu s'apparentent à cette forme de composition/improvisation, chacun développe et actualise toutes les virtualités que contient son instrument, d'où la prédominance des techniques étendues. Mais cette exploration acquiert une autre dimension ici, puisque chacun réagit de manière à toujours approfondir le jeu de l'autre, et vice-versa. Le résultat: un disque extrême qui nous entraîne parfois aux frontières de la musicalité, toujours à celles de la technique instrumentale, mais qui a le mérite d'avoir su créer une homogénéité sonore entre deux instruments qui n'ont rien à voir de par leur timbre, en-dehors de leur utilisation rythmico-fonctionnelle. Une petite note tout de même quant à l'unité de ce disque, si Grom paraît bien timide au départ, je crois quand même qu'il  est certainement celui qui assure l'unité de ces enregistrements en prenant une place de plus en plus prépondérante, l'évolution et l'intensification de son jeu forment une sorte de fil conducteur, il y a une forme de cohérence narrative dans sa progression qui nous permet de finalement trouver une unité dans cette suite d'idées-morceaux qui peuvent paraître décousus ou trop autonomes au premier abord.